Jamais, dans aucune de ses réalisations, François MÉCHAIN n’à choisi la facilité, ni la simplicité. Les sculptures qu’il imagine s’inscrivent dans un lieu et dans une histoire, elles résultent d’un long processus de réflexion basé sur un va-et-vient complexe entre des notions essentielles tournant autour de l’homme et de son existence. Le passé, le présent et le futur, le réel, le donné à voir et le perçu, soi, l’autre et le métissage, le sacré et l’argent, la machine et l’écologie, le besoin de faire sens… tout cela participe des préoccupations de François MÉCHAIN.

La Belgique à une histoire politique mouvementée. Tour à tour possession des grandes puissances européennes, elle ne naît Belgique qu’en 1830. Aujourd’hui, avec trois langues nationales, six gouvernements et une culture cosmopolite, elle apparaît comme un modèle de complexité, ce qui ne pouvait qu’interpeller François MÉCHAIN. Invité comme artiste en résidence par le Musée de la Photographie à Charleroi, il s’est intéressé à l’histoire du pays, mais aussi à celle de la région qui l’accueillait. Par son passé métallurgique florissant et ses industries en activité, le bassin de Charleroi présente un paysage caractéristique remodelé par l’économique.

François MÉCHAIN s’est imprégné de toutes ces données, il a cherché à saisir l’atmosphère d’une région à la fois marquée par son passé et tournée vers demain. Il lui fallait trouver le berceau de sa future sculpture. Le parc du Musée de de la photographie c’est rapidement imposé comme une évidence. Il allait permettre à l’artiste de réunir la nature, l’Homme et l’histoire dans une œuvre éphémère.

La nature, c’est un frêne pleureur qui la représentera. Un arbre magnifique et tortueux, intrigant, sculptural déjà. Ses branches se tordent, se croisent, s’enchevêtrent et, immanquablement, renvoient l’imagination à ces usines tentaculaires qui dominent le paysage carolorégien. Et l’on pense, devant ces forêts de canalisations, à une masse organique qui se serait développée et organisée seule jusqu’à constituer ces monstres couleur rouille. La similitude était évidente, et voilà que des tuyaux surgissent autour du tronc du frêne. Ils l’enserrent, l’accompagne dans les hauteurs. Ils se glissent entre les branches et se mettent à vivre à l’unisson de l’arbre. Les branches se muent en tuyaux, les tuyaux se substituent aux branches manquantes, l’enchevêtrement du naturel et du fabriqué s’organise…

Soudain l’arbre et les tubulures ne font plus qu’un. Un réseau s’est créé, des liens se sont tissés. De l’hétéroclite et de la différence est née une relation qui, maintenant, semble nécessaire. La seconde surprise vient du sol. Les tuyaux plongent sous terre, et d’un coup ressortent au cœur du Musée, dans ce qui fut autrefois le cloître du carmel. Ils installent leurs entrelacs à l’endroit où un arbre, un puits ou une statue aurait figuré l’œuvre humaine dans la symbolique chrétienne. Non pas au centre du carré que dessine le cloître, mais un peu sur le côté, car l’action de l’homme ne peut être parfaite… Voilà qu’à nouveau les tuyaux repartent dans le sol pour déboucher dans le chœur des chapelles et finir d’établir un lien palpable entre trois des grands pouvoirs de notre société : le naturel, le religieux et l’économique.

Rien n’est jamais simple pour François MÉCHAIN. Rien n’est jamais terminé non plus. La réflexion se poursuit. Les idées se croisent, se nourissent de leurs rencontres et poussent plus avant le projet. Il est temps maintenant que la photographie intervienne, non comme le simple enregistrement d’un acte sculptural, amené de par sa nature végétale à disparaître dans un futur plus ou moins proche, mais bien comme une interprétation nouvelle, par la bidimensionnalité, bien sûr, par le choix d’un point de vue, unique ou multiple, par le cadrage et le jeu sur l’échelle, par la fixation d’un instant défini par la lumière, les éléments, le geste… Dans le présent, la photographie est un volet de l’œuvre, dans le futur, elle devient l’œuvre.

Christelle ROUSSEAU,
Conservatrice-adjointe du Musée de la Photographie.

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