Le haut du Fleuve

(Saint-Jean-Port-Joli, Québec, Canada, 2000)

- Diptyque sur papier photographique noir et blanc encollé sur
aluminium : 310 x 110 cm

- In situ, sculpture éphémère, arbres et végétaux, groupe de 3 rochers (500 x 300 x 160 cm) ;
groupe de 3 sculptures de bois d’épinette industrialisé (190 x 120 x 60 cm)

Situé entre le Fleuve (c’est le nom que donnent les Québécois au Saint-Laurent) large à cet endroit de quelques trente kilomètres et l’immense forêt qui  s’étend, elle, sur quelques cinq cent autres kilomètres jusque dans l’état du Maine aux USA, cerné de part et d’autre de ces deux incontournables présences, l’endroit est minuscule et mon geste de sculpteur, même teinté de clin d’œil « cézannien », bien décalé. Il pose pourtant la question du double qui a de tout temps hanté la sculpture. En proposant une interprétation mimétique et abstraite à la fois de trois rochers placés là depuis l’aube des temps, je matérialise ma volonté de création mais aussi le ridicule de mon entreprise. L’utilisation du bois d’épinette industrialisé formalise une mise en boucle : le bois coupé, travaillé en usine, raconte sous une autre forme le site dont il est issu, y revient pourrir et définitivement disparaître.

Sculpteur dans un premier temps, je suis aussi photographe. J’interroge le dispositif de prise de vue et ses dérives sémantiques. Si mimétiquement en effet le groupe de rochers et son fac-simile apparaissent de mêmes dimensions sur l’image, la réalité sur le terrain est toute autre : 500 x 300 x 160 cm pour les premiers, 190 x 120 x 60 cm pour les autres ; la place des objets à photographier dans le dispositif scénique et le choix de l’optique orientent donc le sens de la réponse visuelle et pervertissent notre rapport à la réalité. Quel paradoxe pour un sculpteur  aux prises avec la vérité de la matière !

F.M.