Mølleskov

(Presqu’île de Fyn, Odense, Danemark, 1994)
Triptyque photographique argentique noir& blanc sur dibond : 370 x 115 cm.
In situ, sculpture éphémère, bois morts, feuilles de hêtre : 1250 x 550 x 500 cm

 

 

Bailleul

(Parc du Château de Bailleul, Normandie, France,  1994).
Triptyque photographique argentique noir et blanc sur dibond : 420 x 115 cm.
In situ, sculpture éphémère, graminées, bois morts de marronnier,
bûches de hêtre provenant du Parc : 840 x 200 x 240 cm.

Une simple coïncidence entre deux commandes, l’une émanant du Musée de la Photographie et d’Art Contemporain d’Odense au Danemark et l’autre du Château de Bailleul, dans la province française de Normandie, peut un jour se métamorphoser en hasard objectif. C’est ainsi que j’explorais au printemps 1994 l’île de Fyn, dans l’archipel danois. J’y notais l’omniprésence de la mer dans le paysage et l’importance des vestiges de la civilisation viking. Quelques mois plus tard, au tout début de l’été, les propriétaires du Château de Bailleul en Normandie, eux mêmes liés par leurs très lointaines origines aux migrations venues de Scandinavie, m’invitaient à intervenir dans leur parc. Très préoccupé que j’étais déjà à l’époque de la construction géopolitique de l’Europe, l’idée me vint alors de me pencher sur l’histoire de ces deux sites. Ici et là-bas, le lien viking serait mon fil d’Ariane.

1 - Sur le site de Mølleskov, une sculpture d’une douzaine de mètres de long faite de grands morceaux de bois morts replantés dans le sol, prend place dans le creux naturel du rivage et rappelle la forme d’une nef viking dont les vestiges sont visibles tout près de là. Une coque qui semble échouée, ensablée, largement ouverte sur une ligne d’horizon essentiellement marine.

2 - A deux pas du Château de Bailleul, trois cabanes à la structure élémentaire, faites d’herbe, de branchages et de bûches du parc. Ramassées, doublement fermées parce que sans porte ni fenêtre, impénétrables, celles-ci n’en demeurent pas moins légères et fragiles comme des jouets abandonnés sous les grands arbres. Disposées en oblique, elles sont orientées selon un axe nord-sud tel un rappel crypté de la position géographique de Mølleskov.

Chacun sait que l’on échappe rarement à ses premières amours. On comprendra donc que je ne puisse ici renier l’intérêt que j’ai toujours porté au renversement des choses appris de la photographie argentique. Renversement du procédé positif – négatif donc mais aussi retournement parfois de l’histoire. Aujourd’hui les historiens les plus éminents nous confirment qu’en 911, le Roi de France, Charles le Simple, fatigué des destructions sans fin occasionnées par les guerriers vikings, proposa un jour à leur chef Rollon de lui octroyer la riche province de Normandie. A trois conditions : cesser les massacres, se sédentariser et ne plus prier qu’un seul Dieu, celui des Chrétiens. Le pacte fut bientôt conclu par le traité de Saint-Clair-sur-Epte mais bien peu s’en souviennent. Alors quand désormais vous rencontrerez, en cette admirable province, au détour d’un chemin creux, une de ces maisons ou une de ces églises dont le toit est fait d’une simple coque de bateau retournée, peut-être songerez-vous alors à ce bien étrange retournement de l’histoire ? (le meilleur exemple étant celui du toit double de l’Eglise de Honfleur).