L’Arbre de Cantobre

De la paroi interne d’une écorce d’arbre développée sur le mur de son atelier, François MÉCHAIN propose une image grandeur nature, endeuillée et dématérialisée par le fait qu’il s’agit d’un négatif. Sur un papier dont la longueur est déterminée par l’opération de marquage, il imprime en totalité, morceau par morceau, comme un rouleau encreur, la surface d’un jeune chêne. A l’empreinte à distance de la photographie répond l’empreinte directe de l’estampe : à l’image du dedans, l’image du dehors

Après l’enregistrement, l’archivage : des tas de feuilles mortes sont stockées entre deux plaques de verre et ficelées comme de vieux journaux. Puis l’échantillonnage : des vues de détails de l’écorce agrandies jusqu’à leur disparition au profit du grain photographique – effet blow-up  - alternent avec des surfaces encollées de sciures et d’ossements pillés. Poussière d’arbre, poussière humaine, poussière d’image… Sur l’écran du moniteur relié à une caméra de surveillance, notre propre trace s’est dissoute dans la neige télévisuelle.
L’installation fonctionne comme un labyrinthe tautologique où chacun des éléments fait inlassablement le commentaire de l’autre et où tous concourent à la célébration d’une absence. Jusqu’à l’arbre dont la pièce porte le nom, qui demeure invisible depuis le lieu d’exposition. On le retrouvera dans le jardin du musée.

Parmi les artistes qui ont placé la nature au centre de leur œuvre, François MÉCHAIN fait exception en cela que, venu de la photographie, il interroge autant le medium que le motif : depuis longtemps ces sculptures in situ s’implantent dans le paysage en fonction de la prise de vue et, pour lui,  un négatif n’est encore qu’une promesse. Il n’est donc pas étonnant que l’image photographique soit sans doute le vrai sujet de ce memento mori.

Colette GARRAUD, 1998