Entre digue et murs, où comment l’Histoire balbutie

Parc d’Orbigny, La Rochelle, France.
Mur-palissade de bois de pin face à la bouée Richelieu, œilleton de prison, port de La Rochelle : 12 x 3,5 x 2,5 m.
Quadriptyque photographique noir et blanc sur dibond : 480 x 120 cm

A l’extrémité du mail trois grosses pierres, massives, énigmatiques dont l’une encore munie de son dispositif d’ancrage et puis au mitan de la baie une bouée, dite de Richelieu, rappellent qu’en 1628 ces lieux furent le théâtre du tristement célèbre Siège de La Rochelle.

Deux siècles plus tard Henri MOTTE, petit maître du XIXème siècle brosse le seul véritable tableau de l’événement, une image hautement symbolique à laquelle aujourd’hui tout un chacun pense quand on évoque le sujet : mémoire officielle de l’événement, elle est conservée  au musée d’Orbigny-Bernon de la ville et cautionne encore trop souvent une certaine imagerie officielle. Un étrange paradigme qui tenterait à prouver que la vérité historique peut parfois se parer de fiction. On y voit  son Eminence Richelieu, tout de pourpre vêtu, fier de son autorité cardinalice et de ses pouvoirs de Régent, défier du regard, à travers l’entretoisement inextricable des madriers de la digue nouvellement construite, de pauvres Rochelais devenus prisonniers de leur cité, étrangers à leur propre pays.

Tout cela parce qu’ils ont décidé de penser autrement, parce qu’ils veulent adorer le même Dieu mais selon des règles nouvelles, parce qu’ils ont enfin osé débarrasser le catholicisme des oripeaux de sa soumission aux ors de Rome. Il ne s’agit surtout pas de vouloir penser et prier autrement, la nouveauté, qui plus est anglaise, est bien trop porteuse de révolte. On ne conteste pas un pouvoir en place, bientôt de droit divin, d’essence catholique,qui s’est à jamais arrogé la Sainte Vérité.

Des années voire des siècles sont passés. Les philosophes des Lumières ont éclairé le monde et un temps laissé croire que la page était définitivement tournée, que désormais la Différence et le respect de l’Autre avaient un sens ; que jamais plus, penser, aimer autrement, suivre une politique différente ne justifieraient l’érection de barrières ou de murs séparant deux communautés. Et si celui d’Hadrien et la Grande Muraille de Chine appartiennent aujourd’hui à l’Histoire, si plus récemment ceux de Belfast et de Berlin n’ont pas résisté à la pression des peuples, que dire alors de la construction toute récente de véritables frontières infranchissables à Ceuta, à Mellila, à Tijuana, à Gaza et plus largement entre Israël et la Palestine, entre le Maroc et le Sahara Occidental, à Pékin, entre les deux Corées, à Sadr City, un quartier de Bagdad, à Rio de Janeiro, à Padova en Italie….la liste est malheureusement sans fin et risque bien de s’allonger encore dans les années à venir.

L’actualité semble ainsi opérer un véritable retour en arrière et le communautarisme, alimenté par la pauvreté et les inégalités de tous ordres, se développe partout dans le monde. Les réunions internationales ont beau se multiplier, les projets, refontes et futurs décrets continuent de s ‘empiler sur les bureaux ministériels sans qu’on puisse entrevoir la moindre solution. L’économie est toujours aussi tueuse et les pouvoirs décisionnaires pas toujours entre les mains de ceux qui pensent en être porteurs.

Le mur : une inévitable fatalité ?

François MÉCHAIN, août 2009