Lauris

(Château de Lauris, Provence, France, 2003).
Photographie noir et blanc sur dibond : 160 x 120 cm

In situ, sculpture éphémère, bois de pin et de cyprès, les uns brûlés, les autres chaulés : 560 x 650 x 400 cm

 Lauris, son château. L’information claque comme une publicité de magazine. Le château il y a peu de chances de le manquer. Dès que vous l’apercevez, vous sentez déjà qu’il vous toise, perché sur son promontoire au-dessus de la Durance, arrogant dans son habit de seigneur. Car il en a vu passer lui à ses pieds ce Grand de Provence, comme on dirait ce Grand d’Espagne. Oh, il y a bien les blessures, les marques du temps. Nul n’y échappe. Il a été détruit, reconstruit, détruit à nouveau, remodelé au fil des ans. Et pas toujours de la meilleure manière. Mais pas plus après tout que le village caché derrière et qu’il a si bien protégé. Un village de Provence pourtant, comme il en est tant, vieux, très vieux.

Et puis là tout près du château, dans un minuscule jardin clos de murs, deux tours, l’une blanche, l’autre noire dont nul ne sait laquelle retient, repousse l’autre. Deux tours à taille humaine, simplement faites d’arbres qui ont poussé là et qui rappellent que le château, en son temps, eut aussi les siennes. Deux tours si rapprochées qu’on les imagine échanger quelque secret. Celui du grand incendie, il y a quelques décennies, dont chacun garde avec effroi le souvenir. Un de ces feux de forêt gigantesques, incontrôlables, qui vous transforment en un instant les couleurs de la vie en une montagne de cendres noires. Qui marquent les esprits et vous maintiennent à tout jamais dans la crainte.

Le souvenir des fours à chaux aussi, qui, des années durant, ont fait la richesse de ce pays. Mais qui se sont éteints, comme s’éteint la mémoire quand les derniers témoins disparaissent.  Certains vieux s’en souviennent peut-être encore ou se souviennent de gens qui eux-mêmes s’en souvenaient. Tout se dilue au fil du temps. Tout passe. Il n’y a pas grand chose à faire contre l’oubli….si ce n’est peut-être construire des sculptures qui parlent de cela.

F.M.