Le Crestet

Centre d’Art du Crestet, Vaison-la-Romaine, 1991.
Grand dessin préparatoire : 160 x 120 cm.
Photographie noir & blanc sur dibond : 160 x 120 cm.
Sculpture-assemblage de tubes de médicaments (perdue).
Bordereau d’entée à l’hôpital de Toulouse Rangueil

L’histoire du Crestet est unique dans mon parcours créatif et prouve que le processus d’invention d’un artiste suit parfois des chemins qu’on est bien loin d’imaginer. Invité en résidence au Centre d’art du Crestet en février 1991 je passai trois semaines sur place dans l’ancienne maison que s’était faite construire le sculpteur François STHALY. Située au cœur du massif des Dentelles de Montmirail à deux pas de Vaison-la-Romaine c’est un joyau d’architecture contemporaine cerné de centaines de pins sylvestres au creux d’un vallon. Un endroit particulièrement venté, inquiétant parfois les nuits d’hiver où l’occupant n’a d’autre salut que celui de s’imprégner du site et de faire corps avec lui. Un corps à corps bien difficile, voire impossible parfois qui laisse alors l’artiste d’abord décontenancé de ne pouvoir faire sens puis profondément inquiet à mesure que le temps passe. Une sensation terriblement ravageuse lorsque vous comprenez au fil des jours et des nuits que la chose vous glisse entre les doigts et finira par totalement vous échapper.  

C’est bien ce qui m’arriva non sans avoir pourtant beaucoup lutté tel la chèvre de Monsieur Seguin dans son combat trop inégal avec le loup. Le dernier soir, n’y tenant plus je quittai les lieux sans avoir respecté l’engagement qui me liait à mon commanditaire. Avec pour seul bagage, ce qui resterait alors l’unique mémoire de l’événement, deux photographies noir et blanc prises à la sauvette. Prises à la tombée du jour, sans lumière ou presque, les images sont floues, presque illisibles et bien peu représentatives du lieu.

Qu’il est difficile en effet de renoncer aux belles promesses que vous vous étiez faites en arrivant. Mon combat m’avait mis dans un tel état de délabrement physique et mental que mon voyage de retour fut un vrai cauchemar. Pris de crises de peur panique je finis aux urgences de l’hôpital de Toulouse-Rangueil. Un épisode particulièrement déstabilisant qui met à mal ce qui vous reste de certitudes. Et peut-être plus encore lorsque l’organisateur de l’événement vous demande un beau jour de préparer l’exposition estivale qui clôturera votre résidence. Petits croquis préparatoires, maquette, grand dess(e)in sur papier du projet …….. je complétai l’ensemble d’un grand tirage photographique (aux dimensions exactes de celui qui aurait dû faire trace de la sculpture) sur lequel figuraient en noir sur noir les trois mots redoutables DOUTE - RESISTANCE – FUITE. Une minuscule sculpture, sorte de clone en réduction de mon idée de départ et faite ……… des tubes de médicament que l’on m’avait donnés à l’hôpital complétait le dispositif *.

* l’exposition fut reçue avec grand enthousiasme par le public (la plupart des éléments ont aujourd’hui disparu)