Ouvrir un passage

(Dos d’Ane, Ile de La Réunion, 2005)

Diptyque photographique noir & blanc sur dibond : chaque image 120 x 120 cm

In situ, sculpture éphémère dans la masse végétale tropicale : environ  65 mètres le long,  
passage de la largeur d’un individu taillé à la machette dans la masse végétale tropicale

La forêt tropicale, un prétexte à retrouver des gestes premiers, 
L’Ile de La Réunion où comment revenir aux premiers découvreurs.

L’Ile de La Réunion a cette étrange particularité de n’avoir jamais été colonisée avant l’accostage bien tardif, et encore à cause d’une violente tempête au large du Cap, d’un navigateur portugais nommé Diego DIAZ. De ce DIAZ en 1500, de Dom Pedro de MASCARENHAS, en 1516 ou bien encore du français Salomon GOUBERT en 1638, nous ne savons à peu près rien. Les informations sur le premier accostage sont peu fiables et largement contradictoires. De savoir d’ailleurs qui fut le premier là n’est pas la question. On peut par contre aisément imaginer le premier contact de ces nouveaux arrivants cherchant à tout prix à se procurer du ravitaillement frais pour éviter le scorbut et à absolument faire de l’eau douce après des mois de navigation. Partout la végétation tropicale. Et quelle végétation !

La pratique de la sculpture in situ ayant déjà une longue histoire, il fut décidé, au cours de cette expérience, de donner à ce projet une assise particulièrement contextuelle, en prenant appui sur l’histoire, même quelque peu imaginée, de l’Ile.

Tailler, s’enfoncer, avancer, ouvrir un passage dans la végétation tropicale, retrouver des gestes premiers.

Alors que la première étape avait consisté à pré–figurer ce projet sous forme de croquis et de travaux sur ordinateur, la seconde fut d’ouvrir à la main ou à l’aide d’un simple coupe-coupe, un passage dans la masse inextricable de la végétation tropicale. Un véritable travail de forçat ou chacun dut d’abord se défendre de l’agression de certaines espèces végétales (vigne marron, etc…) pour tracer ce fameux passage. Où il ne fut pas rare de voir les uns et les autres, sous les constantes averses en cette période de l’année, glisser, perdre leurs appuis et se retrouver à terre, dans la boue du chantier. On ne réfléchit plus de la même façon lorsque le corps est en danger. Un véritable retour à la réalité de la matière, à la recherche de gestes premiers que n’aurait certainement pas désavoués Henri LEROI-GOURHAN. Des attitudes  bien éloignées de certaines pratiques fictionnelles contemporaines de plus en plus envahissantes.

Je tiens à remercier chaleureusement la Direction et l’équipe des étudiants de l’Ecole des Beaux-Arts et d’Architecture du Port, Ile de la Réunion, sans lesquels ce projet n’aurait pu voir le jour.