Proche et lointain à la fois...

Trois pièces constituent l'intervention de François MÉCHAIN à Trévarez ; trois pièces qui se répondent et dialoguent
dans l'espace du parc.


La cage :
De grande taille, elle reprend une forme traditionnelle de volière. La petite forme qui la couronne rappelle l’identité du château. Harmonieuse de proportions et dorée, elle développe pourtant implicitement une posture à double tranchant : celle du spectateur invité  à pénétrer un espace ouvert au regard, censé permettre la contemplation, à partir d’un point de vue choisi et construit, mais espace  qui va néanmoins se clore sur lui en l’y enfermant; et puis celle, culturelle, qui reprend le point de vue du Prince, lieu pensé et privilégié depuis la Renaissance pour mieux contempler les jardins, écrin traditionnel de l'architecture : en l'occurrence les massifs  et plates-bandes, régis par la perspective appliquée qui les ordonnance.


Les massifs :
Broderies, dessins géométriques souvent marqués par la symétrie et la répétition, ils prolongent et scandent depuis quelques siècles l'espace naturel autour des grandes demeures. Ils reprennent ici les symboles des six monnaies les plus importantes régissant l'économie mondiale. Le jaune des fleurs choisies (qui a valeur d'or) décline dans les parterres, sous forme de motifs décoratifs, à travers une forme héritée de la culture humaniste (le jardin de la Renaissance italienne) ce qui obsède notre monde contemporain : la marchandisation de tout. L'économie surpuissante qui règne sur nos vies. Les motifs de notre monde en déshérence…


La sphère :
Comme dans l’idée du cloître roman qui se voulait un concentré du monde, microcosme à l’image du macrocosme, cette pièce décline deux sphères intriquées. L’ensemble nous parle de l’infiniment grand (la planète terre) et de l’infiniment petit (les restes végétaux de Trévarez). À la forme cabossée et mal en point de la première répond celle de la seconde qui, contenue à l'intérieur, est régulière, compacte et faite des déchets végétaux issus de l'entretien du parc. L’une est dans l’autre ; l’autre contient l’une.


Les trois pièces et leur matérialité réfléchie mettent en œuvre à leur manière l'idée du proche et du lointain, du je et du nous, du singulier et de l'universel, de la conscience de nos actes, bref de notre place. Perspective, motifs, cage… des formes choisies pour leur prégnance.


Si près, si loin... c'est à cette réflexion sur l'état du monde que nous convie François MÉCHAIN.

Nicole VITRÉ, novembre 2013