VANITE III - VERSAILLES

Proposition de projet non réalisé

Chaos

Serres de jardin et grandes lettres métalliques façon Hollywood
Implantation : sur la longue surface enherbée du Tapis Vert, entre le parterre de Latone et le bassin d’Apollon, avec le Château en arrière-plan.
Matériaux : chaos de serres industrielles et grandes lettres métalliques (façon Hollywood) de couleur.

Sur une célèbre toile du peintre flamand Jan BRUEGHEL de VELOURS Allégorie des quatre éléments : le feu, conservée à la Galleria Doria Pamphili de Rome, on voit des hommes renaissants, au sortir du Moyen-Age, s’initier aux premières technologies. Chauffant, martelant, triturant, découpant la matière, nos protagonistes-artisans sont les acteurs d’un nouveau mouvement de pensée qui va révolutionner l’Occident. En prônant en effet dans son Discours de la méthode «…. l’invention d’une infinité d’artifices qui feraient qu’on jouirait sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s’y trouvent….» René DESCARTES annonce le futur triomphe d’un homme nouveau susceptible de nous rendre comme maître et possesseur de la Nature.


Louis XIV, homme d’ouverture n’est pas à son tour insensible au nouveau credo. Implantant ses jardins dans des terrains à l’origine marécageux, s’entourant d’ingénieurs capables d’inventer de nouvelles et extraordinaires machines à transporter l’eau, Louis XIV importe des arbres de la France entière, fait pousser dans ses pépinières tout ce qui va être nécessaire à des jardins qui doivent étonner le monde. Les progrès de la science et des mathématiques sont visibles partout dans le Parc. Parterres de fleurs géométriques, allées rectilignes, bassins symétriques, plans d’eau conçus selon les lois de l’illusion d’optique, LE NÔTRE porte le jardin à la française à son apogée. Il conçoit un véritable art de corriger la nature, exalte dans le végétal le triomphe de l’ordre sur le désordre, de la culture sur le sauvage. L’exemple sera suivi par toutes les cours d’Europe.

La suite on la connait. La philosophie des Lumières et l’abandon définitif de la soumission à une religion omnipotente vont bientôt précipiter les choses. La Raison va devenir expertise du monde. BUFFON, Carl von LINNÉ, d’HOLBACH, JUSSIEU, MAUPERTIUS, LAPLACE, LAVOISIER, RÉAUMUR, BOUGAINVILLE pour n’en citer que quelques uns vont chacun à leur tour décrire et analyser, du plus grand à l’infime, tout ce qui nous entoure, donnant à l’Homme le sentiment de maîtriser et dominer enfin le monde. La recherche à tout prix d’un progrès susceptible d’améliorer la vie de l’Homme va occuper tout le XIXème siècle et une bonne partie du XXème.

Malheureusement aujourd’hui les temps ont bien changé. La surpopulation croissante, l’exploitation à l’excès des matières premières du globe, la prolifération nucléaire, les dérives possibles de la biotechnologie, une mondialisation ne profitant qu’à une minorité, la pollution et sa conséquence, le dérèglement climatique font courir au monde de nouveaux dangers. Si la culture sous serre de nouvelles espèces et la création d’orangeries vantant fruits et légumes inconnus sous Louis XIV nous promettaient des lendemains qui chantent il faut bien nous rendre à l’évidence : l’avenir s’annonce bien bouché. Certains parlent même, comme Paul VIRILIO, de catastrophe, d’accident universel. Peut-être ne nous reste-il plus alors qu’à répéter comme Winston CHURCHILL que l’optimiste est celui qui voit une chance derrière chaque calamité.